LACC Canada : tout savoir sur la Loi sur les arrangements avec les créanciers

Gel soudain. Une entreprise canadienne incapable de payer ses dettes peut stopper net les poursuites, sans pour autant mettre la clé sous la porte. La procédure ne se limite pas à la survie : elle sert surtout à négocier, à gagner du temps et à tenter de sauver ce qui peut l’être. Mais attention : tous les acteurs ne sont pas logés à la même enseigne. Les petits fournisseurs et actionnaires n’ont pas droit aux mêmes protections que les poids lourds de la finance. Ce mécanisme reste réservé aux sociétés dépassant un certain niveau d’endettement, sous l’œil attentif des juges qui adaptent leur approche à chaque situation.

La Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies : un pilier de la restructuration au Canada

La Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) incarne le socle du droit de la restructuration d’entreprise au Canada. Mise en place en 1933, cette loi fédérale vise les sociétés qui font face à de graves turbulences financières. Son but n’est pas de jeter l’éponge mais de leur ouvrir une voie de négociation, pour éviter la faillite. Le principe est sans détour : permettre à une entreprise insolvable de proposer un plan d’arrangement à ses créanciers, sous l’œil d’un tribunal.

Dès qu’un dossier s’ouvre, le juge délivre une ordonnance initiale. Elle interrompt toute poursuite ou saisie, figeant la situation le temps d’envisager une issue. Ce « stay of proceedings » facilite un terrain de dialogue avec les créanciers, répartis en différentes catégories (garantis, non garantis…) et invités à examiner les offres du débiteur. Le cap : trouver un compromis qui satisfait la majorité des parties et évite l’éparpillement des actifs à la barre du tribunal.

Autour de la table, on retrouve institutions financières, fournisseurs stratégiques, État… Mais seules les sociétés affichant un endettement supérieur à cinq millions de dollars accèdent à la LACC. Pour les structures plus petites, d’autres procédures prévues par la loi prennent le relais. Rester en activité, vendre des actifs, organiser un redressement ou préparer une cession : voilà quelques-uns des scénarios possibles. La procédure reste flexible, modelée par le juge en fonction de l’ampleur du dossier.

À qui s’adresse la LACC et dans quelles situations peut-elle être appliquée ?

La LACC s’adresse à une cible bien identifiée : la compagnie débitrice constituée au Canada, souvent une société par actions dont le siège est domicilié dans le pays. Deux critères ne souffrent pas d’exception : l’entreprise doit afficher une situation d’insolvabilité et traîner plus de cinq millions de dollars de dettes. Ce seuil, élevé, distingue la LACC d’autres dispositifs prévus pour les PME.

Pour mieux saisir le périmètre de la LACC, voici les cas typiques où elle entre en scène :

  • Entreprises de production ou de services submergées par un endettement devenu insurmontable
  • Holdings financières ainsi que leurs filiales basées au Canada, pour peu que l’ensemble réponde aux conditions d’accès
  • Sociétés ayant tenté de négocier à l’amiable avec les créanciers, sans solution hors du cadre judiciaire

Des limites existent : compagnies d’assurance, banques, fiducies et sociétés de prêt sont exclues du dispositif, protégées ou encadrées par d’autres régimes. Au contraire, la LACC inclut dans le jeu tant les créanciers garantis que les non garantis. Les administrateurs et dirigeants de ces entreprises voient leur comportement de près analysé, en particulier sur ce qui touche aux régimes de retraite ou aux cotisations sociales.

Lorsque le moment arrive où la société ne peut plus faire face à ses dettes et que la négociation patine ou s’effondre, la LACC propose alors un cadre judiciaire précis pour encadrer le processus, baliser la restructuration et organiser, si besoin, une sortie plus ordonnée du marché.

Déroulement d’une procédure sous la LACC : étapes clés et acteurs impliqués

Le processus prévu par la LACC s’articule en plusieurs séquences serrées mais qui s’adaptent à chaque dossier. Tout part d’une demande déposée au tribunal : la société expose ses difficultés, étale ses états financiers et détaille son encaisse. À ce stade, la transparence est de mise.

Le tribunal rend alors une ordonnance initiale, bloquant toute action des créanciers. Un contrôleur, souvent un syndic autorisé en insolvabilité, est nommé sans délai. Indépendant, il supervise la gestion, épluche les comptes et transmet l’avancée du dossier aux principaux intéressés. Sa mission ? Rassurer, veiller à l’équité du traitement des créanciers et alimenter le juge en informations décisives.

La négociation s’ouvre alors vraiment. Les dirigeants préparent un plan d’arrangement qui propose de restructurer l’endettement, remobiliser l’activité ou céder des actifs. Ce plan est porté devant plusieurs assemblées distinctes, qui regroupent les différentes catégories de créanciers. Pour qu’il passe, il faut l’aval d’au moins deux tiers en valeur et la moitié des voix des participants à chaque groupe.

Si le plan décroche suffisamment de soutiens, il doit encore recevoir l’approbation du tribunal. À chaque tournant, la justice pèse le respect des droits de chacun. Le pouvoir de contrôle du juge garantit l’équilibre général et la loyauté du processus.

Jeune avocate dans une salle de réunion avec dossiers

Avantages, limites et alternatives à la LACC : ce qu’il faut savoir avant de s’engager

La LACC transforme la logique de la restructuration des entreprises au Canada en offrant une solution flexible qui peut éviter l’effondrement pur et simple. Son plus gros atout : garantir un répit immédiat, capable de protéger l’entreprise le temps de solidifier un plan et de dialoguer avec les créanciers. Pour un dirigeant, cela peut signifier la capacité de conserver la confiance et de limiter les secousses internes comme externes.

Malgré son efficacité dans les restructurations majeures, la LACC ne s’étend pas à la plupart des PME, puisqu’il faut dépasser le seuil des cinq millions de dettes. Engager cette procédure implique des frais : rémunération du contrôleur, honoraires professionnels, organisation des assemblées… Et en attribuant un rôle de chef d’orchestre au tribunal, la LACC peut parfois engendrer des lenteurs ou des tensions entre les différents créanciers, surtout les moins puissants.

D’autres solutions sont déployées au Canada, mieux calibrées pour les entreprises de taille réduite. Des démarches hors contentieux existent, mais elles n’offrent pas la même force protectrice qu’un cadre judiciaire national. Avant d’enclencher la mécanique de la LACC, il s’agit de bien jauger à la fois le type de créanciers, la diversité des dettes et les besoins réels de la société.

En définitive, le choix de la procédure conditionne les chances de redressement et la manière dont chaque acteur vivra la suite. Naviguer entre restructuration, négociations et préservation de la valeur exige sang-froid et lucidité. Pour certaines entreprises, la LACC élargit le champ des possibles. Pour d’autres, elle trace la limite qu’il ne faudra pas franchir à la légère. Reste à savoir qui saisira le véritable sens d’une dernière chance offerte par la loi.

Les plus lus